Éditorial par Gérard-François Dumont
paru dans la revue Population & Avenir n° 735

 

À lire les données et les projections de l’ONU [1], l’urbanisation est l’horizon indépassable de l’avenir de la planète. Pour la première fois dans la longue histoire de l’humanité, la population urbaine serait devenue majoritaire dans le monde en 2008. Et le futur verrait la poursuite de la hausse du taux d’urbanisation, engendrant, bien entendu, une baisse relative de la population rurale, mais également, à terme, une baisse du nombre des ruraux. Mais ces évolutions projetées sont-elles certaines ?

À l’examen de l’évolution des villes, il faut d’abord constater de nombreux exemples de forts ralentissements de la croissance urbaine. Ensuite, des métropoles mondiales ont pu connaître, au moins temporairement, des diminutions de leur population. Enfin, de nombreux facteurs peuvent engendrer dans telle ou telle ville une décroissance du nombre d’habitants.

Le ralentissement urbain

Le fait d’envisager le ralentissement urbain a souvent été écarté. Par exemple, considérant les logiques stimulant l’émigration rurale vers la ville et les taux de croissance démographique des années 1960, les projections ont longtemps laissé penser que les plus grandes villes d’Amérique latine allaient prendre encore plus d’importance. Ainsi, a-t-on annoncé que Mexico aurait en l’an 2000 la première place mondiale des mégapoles. Dans une publication universitaire de 1994, la rhétorique de la croissance linéaire conduisait à prévoir 31 millions d’habitants à Mexico en 2000.

En fait, il a fallu réviser largement à la baisse ces chiffres : en 2000, l’agglomération de Mexico a atteint moins de 20 millions d’habitants, 18,5 millions exactement, plus de 12 millions de moins que le chiffre annoncé !

À l’exemple de Mexico, sous l’effet de la transition démographique urbaine [2], le taux de croissance des grandes villes des pays les plus fortement urbanisés d’Amérique latine s’est considérablement ralenti [3] sous deux effets : d’une part, la décélération démographique générale a touché aussi les villes ; d’autre part, l’émigration rurale ne peut se poursuivre au rythme antérieur lorsque ses ressources humaines se sont en grande partie taries.

Finalement, Mexico, qui devait devenir la ville plus peuplée du monde, compte 21,2 millions d’habitants en 2016 et se classe au 7e rang dans le monde [4].

Des villes en décroissance réelle

Non seulement des villes connaissent un fort ralentissement démographique, mais d’autres enregistrent une décroissance. Parfois, cette dernière est temporaire dans une période d’affaiblissement de leur attractivité.

Cela a été le cas de l’agglomération de Londres de 1950 à 1972 et de celle de New York de 1970 à 1980. Suivant ces deux exemples, de nombreuses villes ont enregistré ou enregistrent une décroissance urbaine, tout particulièrement celles qui étaient des fleurons de l’ère industrielle, comme Detroit, Cleveland, Saint-Louis ou Buffalo aux États-Unis.

Mais au-delà de ces cas enregistrés [5], le futur pourrait connaître de nombreuses décroissances urbaines compte tenu de la multiplicité des facteurs susceptibles de les expliquer.

Les facteurs multiples de possibles décroissances urbaines

En effet, l’évolution de la population des villes peut provenir de facteurs politiques, économiques, sociétaux et démographiques, facteurs qui peuvent d’ailleurs se combiner.

D’abord, l’urbanisation résulte de choix politiques à l’exemple de la Chine qui, après une politique défavorable aux villes, les a considérablement avantagées. D’autres types de politiques d’aménagement du territoire pourraient changer la donne.

Autre exemple, le retour de la paix pourrait, dans des pays comme la Colombie, inciter des populations qui se sont réfugiées dans les grandes villes à repartir vers leur territoire d’origine.

Au plan économique, la dynamique des territoires tient en grande partie à leur attractivité et donc des changements en la matière peuvent modifier la géographie du peuplement.

Au plan sociétal, la recherche d’aménités est défavorable à certaines agglomérations comme, en France, à Paris, Marseille ou Strasbourg, dont les soldes migratoires sont négatifs, alors que les territoires ruraux, ont en moyenne, une nette croissance  [6].

Quant aux très faibles niveaux de fécondité constatés dans de nombreuses villes, ils exercent également leurs effets.

Notes

[1] World Urbanization Prospects, The 2014 revision.
[2] Cf. Dumont, Gérard-François, « La transition démographique urbaine », communication à l’université Jagellonne, Cracovie, 18 octobre 2017.
[3] Chatel, Cathy, Moriconi-Ebrard, François, Encarnação Beltrão Sposito, Maria, « La croissance urbaine au Brésil : concentration dans les métropoles ou rééquilibrage du système urbain ? », EchoGéo, 2017.
[4] The World’s Cities in 2016, ONU, 2017.
[5] Michniewicz, Hanna, « Le dépeuplement possible des villes : le cas de la Pologne », Population & Avenir, n° 673, mai-juin 2005 ; Chalard, Laurent, « Des villes en net déclin démographique : le cas de communes anciennement industrielles », Population & Avenir, n° 683, mai-juin 2007 ; Fol, Sylvie, « Déclin urbain » et Shrinking Cities :
 une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine », Annales de Géographie, n° 674, 2010.
[6] Dumont, Gérard-François, « France : la fin de l’urbanisation ? », Population & Avenir, n° 726, janvier-février 2016 ; Rieutort, Laurent, « La ruralité en France : des potentiels oubliés ? », Population & Avenir, n° 731, janvier-février 2017.

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To cite this version :

Dumont, Gérard-François, « Trump : une nouvelle politique d’immigration aux États-Unis ? », Population & Avenir, n° 735, novembre décembre 2017.