Éditorial par Gérard-François Dumont
paru dans la revue Population & Avenir n° 737

Avec le président Trump, la politique d’immigration des États-Unis serait, selon nombre de commentateurs, totalement nouvelle. L’administration américaine, celle d’un pays dont le peuplement s’est très largement constitué par apports migratoires, serait devenue hostile à l’immigration. Qu’en est-il en réalité ?

Ponctuée par de multiples tweets, dont certains viennent démentir des propos de ses proches collaborateurs, la politique du président Trump semble peu lisible. Pourtant, au moins dans un domaine, celui de la question migratoire, la continuité et la persévérance de Trump à appliquer son programme sont remarquables et même étonnantes. En effet, dans les démocraties, il arrive assez souvent que les électeurs constatent qu’un président élu s’éloigne de ses promesses électorales. Or, le président Trump semble bien déterminé à appliquer ce qu’il avait annoncé.

Une politique précisément annoncée

En effet, le 31 août 2016, dans un discours à Phoenix, en Arizona, plusieurs mois avant l’élection, Donald Trump a présenté dix propositions pour la politique d’immigration des États-Unis. Leurs objectifs annoncés étaient de réduire l’immigration, notamment en appliquant de façon plus stricte des lois existantes concernant l’immigration illégale. Ce discours a été le plus détaillé de sa campagne. La question de l’immigration fut ensuite un des points-clé de ses déclarations pendant la campagne [1] et un des éléments explicatifs de sa victoire électorale contre Hillary Clinton.

Dès son investiture en janvier 2017, le président Trump s’est appliqué à mettre en œuvre ses propositions. Certes, l’annonce tonitruante de la construction d’un « mur » le long de la frontière américano-mexicaine qui, en réalité, ne serait que le prolongement des barrières [2] déjà existantes [3) n’est pas à ce jour réalisée. Mais cela ne doit masquer le fait que Trump a concrétisé différentes annonces :

  • l’application plus stricte des lois sur l’immigration permettant la rétention d’immigrants illégaux ;
  • l’annulation de plusieurs mesures qui empêchaient l’expulsion d’immigrants illégaux [4]
  • l’élimination des protections temporaires pour les non-citoyens mises en place par les administrations antérieures ;
  • une forte réduction des admissions de réfugiés [5]

Et ce qui précède a minoré le traitement de certaines demandes d’immigration familiale.

En dépit de pouvoirs contenus par le Congrès, par les tribunaux et par l’autonomie des municipalités, dont certaines qui se refusent à appliquer les décrets présidentiels, l’immigration, légale et illégale, a nettement diminué aux États-Unis depuis l’élection de Trump.

Le retour de modalités anciennes

Doit-on considérer que les principes mis en œuvre pour y parvenir, comme le recours à des quotas tendant vers zéro vis-à-vis de certains pays ou le déploiement de policiers, sont sans précédent dans l’histoire migratoire des États-Unis ? En réalité, ce pays a toujours eu des politiques dont l’objectif consistait, selon le point de vue où l’on se place, à maîtriser l’immigration ou à la contenir. Pour ne prendre que quelques exemples, rappelons certaines décisions. En 1798, c’est l’Alien and Sedition Act, comprenant des mesures pour freiner la procédure de naturalisation jugée trop rapide. De 1882 à 1943, c’est le Chinese Exclusion Act qui interdit toute entrée aux ressortissants Chinois. Autre exemple, au centre Fédéral d’immigration de Fort Clinton, à l’extrémité sud de Manhattan, puis à Ellis Island à compter de 1892, des critères étaient définis pour mettre en quarantaine certaines personnes ou même leur refuser l’entrée. Les compagnies maritimes qui avaient transporté les migrants étaient tenues de les rapatrier à leurs frais [6]. Environ 2 % des arrivants virent ainsi leur admission aux États-Unis rejetée en raison de leur mauvaise santé ou de leur passé criminel.

Et la politique migratoire des États-Unis a souvent reposé sur une logique de quotas arrêtés par le Congrès, même si les quotas géographiques ont disparu de 1978 à 2016 pour partiellement renaître en 2017. Pour le futur, ce sont les électeurs qui, par leurs choix aux élections parlementaires et présidentielles, décideront de cette politique.

Notes

[1] Dans un contexte de vote différencié selon les catégories de la population ; cf. Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007.
[2] Goussot, Michel, « Le projet de Donald Trump d’ériger un « mur » entre le Mexique et les États-Unis » Raison présente, juillet 2017.
[3] Il existe en effet un premier mur érigé en 1994 entre les villes frontalières de San Diego (États-Unis) et Tijuana (Mexique) et des barrières construites de manière discontinue depuis 2006.
[4] Toutefois, cette question fait l’objet de négociations avec le Congrès.
[5]  En reconnaissance de la crise mondiale des réfugiés, l’administration Obama a fait passer le nombre de réfugiés de 70 000 à 85 000 au cours de l’exercice 2016 et à 110 000 au cours de l’exercice 2017. L’administration Trump a immédiatement réduit le plafond de l’exercice 2017 à 50 000. Au final, 53 716 réfugiés ont été admis au cours de l’exercice 2017.
[6]  D’où la décision de celles qui partaient de Cherbourg d’effectuer elles-mêmes des contrôles au départ ; cf. « Cherbourg, d’une migration l’autre », Le Monde, 5 avril 2016.

 

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Dumont, Gérard-François, « Trump : une nouvelle politique d’immigration aux États-Unis ? », Population & Avenir, n° 737,  mars-avril 2018.